Les essais cliniques fuient la France
Alerte rouge pour la médecine française : le pays s’est effondré dans les essais cliniques. Il est relégué au sixième rang européen (voir tableau). « C’est un lent déclin depuis quinze ans, analyse Régine Rouzier, fondatrice de la société Cap Research. Avec la crise de 2008, les laboratoires américains ont rapatrié beaucoup d’essais aux Etats-Unis par patriotisme. Parallèlement, il y a eu l’ouverture des pays de l’Est, une concurrence moins chère. » Les centres d’essais privés comme Cap Research ont été laminés. Ils étaient encore onze en 2010, il n’en reste que trois.
L’explication tient à la fois à une application plus stricte qu’ailleurs du principe de précaution et à la lourdeur des règles françaises. Des normes qui se sont encore complexifiées avec l’affaire Biotrial : le décès d’un patient enrôlé dans un essai à Rennes a poussé l’Agence du médicament (ANSM) à renforcer encore les règles. Ainsi, depuis le 18 novembre 2016, les experts composant les comités de protection de personne sont désignés par tirage au sort. « Même pour les technologies innovantes de santé, tout est mis dans le même panier, explique Maryvonne Hiance, présidente de France Biotech. Du coup, un produit d’immunologie peut être évalué par un spécialiste d’un tout autre sujet. » Un défaut d’expertise qui rallonge encore les délais. Résultat : les biotechs françaises vont d’emblée faire leurs études ailleurs en Europe. Signe de ces tensions entre les autorités réglementaires et les industriels, la société Carmat a suspendu ses essais cliniques en France – après le décès d’un cinquième patient, dû à une erreur humaine.
Au-delà de son impact sur la filière pharmaceutique, ce phénomène est lourd de conséquences. Premières victimes, les patients : être inclus dans un essai précoce, c’est avoir accès à un médicament innovant, parfois des années avant son autorisation. Le rayonnement scientifique de la France en est aussi affecté : les publications sont issues des hôpitaux ayant mené les études. Outre le manque à gagner pour les hôpitaux (qui perçoivent 15.000 euros par patient), estimé à 2 milliards par an par France Biotech.
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